Déclaration d'artiste

 

Nous sommes à l'ère du quantique et du numérique. Et l'infiniment petit se déploie également dans le monde poétique. Il est invisible mais néanmoins très présent dans ma vie, puisque les interférences entre mes sentiments et ceux des autres, notamment tous les vivants autour de moi, m’influencent en permanence. En quoi cela m’importe  et comment en rendre compte ? Comment en apprécier la poétique d'une manière picturale ? 

 

Technique et médiums 

 

Pour mes dessins, j'utilise toujours l'encre de Chine, car elle ne pâlit pas à la lumière. Généralement je travaille sur papier granulé (conçu pour l'aquarelle) et moins souvent sur papier lisse. J'utilise surtout des petits ou moyens formats, car ils demandent davantage d'attention du fait de la contrainte d'espace imposée. Cette contrainte est enrichissante.

 

Pour mes tableaux, j'utilise principalement la peinture à l'huile. Amateure de lectures, j'enrichis parfois certaines toiles de textes collés, issus de livres ou de journaux. Ces techniques me permettent de jouer avec les textures, les contrastes, les transparences et l'inattendu. Je travaille la matière par couches désordonnées, dans la recherche d'une profondeur plus évocatrice que descriptive. Pour rendre compte des interférences constantes de l'infiniment petit dans notre univers humain, je choisis d'interconnecter une approche figurative à celle de l'abstraction, et vice-versa. Il s'agit pour moi de jouer de l'un avec l'autre pour ouvrir à l'imprévisible, à ce qui peut dérouter d'une image trop rapide. Ouvrir à l'imaginaire sans tenter de contrôler celui-ci. Il m'importe également de ne pas maitriser totalement le processus, afin d'exposer ma sensibilité contemporaine et d'en recueillir les fruits. Tout l’avantage de la technique à l’huile est de pouvoir poser et retirer, faire fondre ou disperser, accentuer ou atténuer, en un mot explorer sur la toile. Jouer des multiples variances toujours possibles.

 

Approche créative

 

En peinture, j'avance de manière chaotique en décidant de garder ou non tel ou tel trait, tel ou tel aplat, telle ou telle forme par rapport à ce que je cherche. En choisissant des teintes multiples et des lignes qui malmènent la figuration, je pourrais me perdre. Mais en me laissant traverser par ce que les images m'apportent, petit à petit, je trouve leur place dans l'ensemble pictural. Celui-ci progresse en m'entrainant avec lui.

 

En dessin je n'ai pas la possibilité de revenir en arrière. L’encre ne s’efface pas sur le papier. Comme avec l'aquarelle, une fois le trait posé, on ne peut plus le retirer. Il faut composer avec, trouver d'autres façons d'ajuster le dessin pour le rendre acceptable à mes yeux. Cette contrainte créée des surprises amusantes : cela ouvre à l'humour et m’entraine à jouer encore davantage des formes possibles pour évoquer l’humain et ce qui le taraude.

 

En peinture comme en dessin, je navigue entre nuance et vigueur, précision et flou, entre ce qui est dit et ce qui reste silencieux. La maîtrise du geste rejoint l’aléatoire de celui-ci. Ce processus, long et délicat en peinture mais rapide et inattendu en dessin, est ma façon de révéler le sensible. Les figures (personnages, animaux, paysages, arbres ou objets) sont des rencontres silencieuses, sans début ni fin, capturées dans un élan perpétuel. Elles s'effacent et se recréent, comme un microcosme en constante métamorphose. Les transparences et les continuités de couleurs ou de lignes servent de support à un jeu infini de possibles, où l'invisible se mêle au visible. J’utilise les ressources de l’abstraction pour révéler des présences et des rythmes qui se devinent sans se montrer. Je désire célébrer les interférences subtiles qui nous relient aux autres, aux vivants et aux morts, et à l'environnement, lumineux ou sombre, qui nous entoure. Par des jeux de lumières et d'ombres, je cherche les lignes vibratoires dans les corps des vivants. Je cherche l'aléatoire foisonnant et tenace qui anime ceux-ci. Il existe un dialogue entre mon geste (plus épais, plus fin, décalé, plus recourbé etc.) et ce que ce trait crée comme sensation en moi. En dessin comme en peinture, je découvre ce que je cherche pendant que je le fais. J’explore ce que je dessine ou peins au cours de cette action. Est-ce ma façon d’aimer le vivant, en accepter l'impromptu pour endurer son ombre ?

 

Mes influences

 

Attirée très jeune par les tableaux impressionnistes, j'ai apprécié, à leurs contacts, plusieurs manières de révéler le monde sensible. La maturité m'a ouvert à d'autres peintres, plus classiques ou plus modernes. J'ai intégré la possibilité de l'abstraction comme réalité picturale alternative. Ainsi, mon enfance brésilienne et la peinture occidentale dans sa diversité ont créé un terreau, que j'ai enrichi par la pratique d'une thérapie (Gestalt-thérapie) holistique. Enfin, par mes rencontres et mes lectures en Afrique Centrale et de l’Ouest, durant une vingtaine d’années, j’ai identifié des forces souterraines qui animent ces peuples. Mon travail artistique s'aventure à effleurer les rythmes d'ouvertures et de fermetures de puissants éléments du vivant. Car si des forces immatérielles influencent nos vies, comment les dépeindre ?